Est-ce ceci la plus simple façon de créer une Grainothèque de fleurs sauvages?
Voici ce qui me semble être une opération de distribution de semences de plantes indigènes dans sa forme la plus élémentaire. Il ne faut pas réinventer la roue, car souvent, le plus simple est mieux.
Les avantages sont nombreux lorsqu'il s'agit d'encourager les plantes indigènes dans nos paysages aménagés. Mais il peut être difficile d'obtenir facilement les graines de centaines d'espèces. C'est là que les grainothèques de fleurs sauvages peuvent intervenir !
En novembre dernier, j'ai pris le train pour Ottawa, à partir de ma ville natale de Moncton (dans l'Est du Canada), pour une raison très particulière : je pense que les grainothèques de plantes indigènes peuvent vraiment connaître un essor à notre époque.
Ce voyage a été financé par Nature Canada, ce qui m'a permis d'élaborer un guide sur la manière de contribuer, de diriger ou de démarrer une grainothèque comme celle d'Ottawa, où une initiative forte et bien rodée fait des vagues.
Dès mon arrivée, j'ai été accueilli à bras ouverts. La fondatrice de la Grainothèque de fleurs sauvages d'Ottawa, Mélanie Ouellette, a quitté mon coin de pays (le Nouveau-Brunswick) pour s'installer dans la capitale du Canada et y a créé quelque chose de tout à fait remarquable.
Depuis sa propre maison, elle dirige toute une opération de distribution de graines de plantes indigènes, sous la forme de belles petites enveloppes fabriquées par des bénévoles à partir de papier recyclé.
Ce que vous voyez de l'extérieur n'est que la pointe de l'iceberg ; j'ai eu l'occasion de vivre de l'intérieur la période de pointe de la grainothèque.
Grâce à des réunions régulières cette semaine-là, j'ai pu voir comment fonctionne réellement ce genre d’opération. Peut-être pourrons-nous alors diffuser ce modèle dans le monde entier afin que nos paysages aménagés se métamorphosent en écosystèmes en santé.


Commençons par les principes de la Grainothèque de fleurs sauvages d'Ottawa.
Fournir un accès gratuit aux graines de plantes indigènes
Enseigner aux gens comment jardiner de façon responsable
Inviter les bénéficiaires des semences à retourner le cadeau de la nature
Depuis 2020, plus de 8 000 projets communautaires, écoles et particuliers ont reçu gratuitement des semences indigènes à Ottawa, dans la vallée de l'Outaouais et dans cinq autres provinces. Parmi ces bénéficiaires, on compte au moins une douzaine d'écoles de la ville où les élèves ont pu participer à des activités pratiques de jardinage avec des plantes indigènes. Outre les semences, plus de 1 700 projets communautaires, écoles et particuliers ont reçu gratuitement des plantes indigènes au cours des deux dernières années. La grainothèque diffuse des informations scientifiques accessibles sur les bonnes pratiques écologiques et des outils de récolte de semences indigènes, grâce à une présence impressionnante sur les médias sociaux et à des présentations dans toute la ville. Depuis 2023, 10 600 personnes ont reçu des informations sur l'importance des plantes indigènes dans les écosystèmes.
Ottawa Wildflower Seed Library, 2025 (Traduction libre)
La question que je me pose est la suivante : comment faire en sorte que tout cela se produise de la manière la plus simple possible ?
Action zéro — la présence en ligne
Il s'agit d'une étape qui risque ou non de déterminer toutes les autres étapes à venir. De nos jours, de nombreuses communautés ont besoin d'une présence en ligne, mais qui suis-je pour le dire ? Peut-être que votre communauté est tellement soudée que vous n'avez pas besoin d'être sur Facebook ? J'en doute, mais c'est possible.
À Ottawa, il existe un groupe Facebook très actif de plus de 8 000 personnes (en date de février 2025) que vous pouvez rejoindre, quel que soit votre pays d'origine. Toutes sortes d'informations y sont partagées. Ce groupe permet aux gens de se connecter, et les messages servent à rappeler ce qu'il y a à faire.
Si vous préférez travailler par courrier électronique, c'est votre choix. Mais je ne peux pas garantir que cela fonctionnera aussi bien, car au début de l'année 2025, les gens utilisent encore Meta pour créer une communauté autour de ces sujets. Cette situation pourrait changer dans un avenir proche.
Action un — Accepter les dons de semences
Contrairement aux idées reçues, il n'est pas nécessaire d'avoir des centaines de dons pour commencer. Un don d'une seule ou de quelques espèces suffit, et peut alimenter de nombreuses enveloppes pour une première saison.
En théorie, vous pourriez avoir une grainothèque contenant seulement de l'eupatoire, ou uniquement de l'iris versicolore, et vous auriez tout de même un impact positif.
En pratique, la Grainothèque de fleurs sauvages d'Ottawa va bien plus loin. Elle peut avoir quelques centaines espèces, mais pas plus d'une cinquantaine de donateurs.
Ces donateurs, si l'on veut être puriste et commencer à partir de la nature, doivent récolter sur leurs terres ou avoir la permission du propriétaire ; on ne veut pas enfreindre les lois ici. Ils doivent également faire des recherches et connaître très bien l'espèce ciblée. Une mauvaise identification peut nuire à la crédibilité.
Une fois qu’on connait l'emplacement, on peut le marquer d'une manière ou d'une autre, et lorsque le moment est venu, les semences doivent avoir atteint leur maturité.
La récolte des semences doit être conforme à la règle de la Récolte honorable. On ne prend ni la première ni la dernière plante que l'on rencontre, et beaucoup recommandent de ne pas prélever plus de 10 % de ce qu'il y a. Je vous recommande de lire The Serviceberry de la Dr. Robin Wall Kimmerer (2024).
Les graines doivent provenir d'une espèce naturelle. La distribution de cultivars va à l'encontre des principes de la Grainothèque de fleurs sauvages.
Les graines doivent être récoltées au bon moment. Tout autre moment signifie que les graines risquent de ne pas germer correctement.
Une fois que nous avons notre sac de graines ou de têtes de semences, il faut les étiqueter correctement, avec la date, l'espèce exacte et le lieu. Elles sont alors prêtes à être données.
Dans le contexte d'Ottawa, les dons sont acceptés non seulement à la porte du bâtiment qui fait office de grainothèque (dans le cas d’Ottawa, la maison de Melanie), mais aussi en même temps que les événements de distribution. Ces rencontres formidables, polyvalentes et ultra-efficaces ont lieu un peu partout dans la communauté. Mais en ce qui nous concerne, on ne peut pas encore les organiser, car on n'a pas de graines emballées dans des paquets à distribuer.
Action deux — Les emballer d'une manière ou d'une autre

La deuxième étape semble assez simple. On emballe nos dons et on les étiquette.
Mais la fabrication d'enveloppes de semences prend du temps. Les emballer et les étiqueter aussi. Si on veut le faire sans consacrer toute sa vie à distribuer des choses gratuites, c'est là où les bénévoles entrent en jeu.
On serait tenté de s'exclamer « C’est du travail gratuit ! », mais on serait surpris de voir combien de personnes veulent contribuer à quelque chose qui a du sens.
Ce travail, même s'il est banal, peut être fait devant la télévision ou en écoutant un livre audio, mais il est essentiel pour assurer le fonctionnement d'une grainothèque.
Il consiste à :
Découper des carrés de papier recyclé et plier de petites enveloppes de graines. Cette opération peut être réalisée facilement par n'importe qui, et le produit peut être stocké assez facilement.
Emballer les semences nettoyées à partir de grandes quantités de semences non nettoyées. Il faut nettoyer les semences en les séparant des résidus de plantes et les mettre dans des enveloppes de taille moyenne. Cette opération doit être effectuée par la personne qui a accès à l'endroit où les semences données sont stockées au départ.
Il n'y a pas de vidéo, mais il faut nettoyer les têtes de semences et emballer quelques « heures de travail » de semences dans de grandes enveloppes.
La grainothèque d’Ottawa utilise des enveloppes recyclées provenant d'une église fermée pour emballer les graines, ce qui représente un travail raisonnable pour les bénévoles. Tout ceci sert à éviter que la personne qui emballe les semences à l'autre bout ne reçoive une charge de travail trop importante. Une trop grande quantité de semences pourrait facilement entraîner un trop grand nombre d'heures de travail.
Mettre les petites doses de semences provenant d'enveloppes moyennes dans de petites enveloppes de semences, et les étiqueter. Il s'agit de l'étape la plus longue et la plus ponctuelle, car elle doit être effectuée pendant un grand nombre d'heures cumulées afin d'obtenir une quantité importante d'enveloppes, et doit être faite entre la saison de collection et la saison de distribution.
Pour cette étape, il nous faut des instructions imprimées pour cultiver chaque plante sur une feuille de papier standard, qui sera fixée à l'aide de ruban adhésif pour fermer l'enveloppe.
Les quantités de semences sont généralement de 40 à 50 par enveloppe. Cette quantité est déterminée par un ensemble de cuillères, qui sont utilisées à Ottawa pour tenir compte des différentes tailles de graines de manière uniforme.
Maintenant qu'on a nos semences, il ne nous reste plus qu'à trouver des contenants pour les enveloppes. Ottawa utilise les bacs en plastique d'ULINE.
Action trois — Organiser des événements
Les événements de distribution, dans leur forme la plus simple, peuvent être très efficaces.
Ils servent à être un lieu où:
Les gens peuvent obtenir des enveloppes de graines
Les gens peuvent obtenir des graines à emballer
Les gens peuvent donner les enveloppes qu'ils ont emballées
Les gens peuvent se rencontrer et parler du jardinage et de la plantation de plantes indigènes
L'on peut accepter des dons et vendre des marchandises
L'on peut recruter et garder des bénévoles
À Ottawa, l'événement prend la forme d'une salle, louée pour l'après-midi, où des tables sont garnies de contenants remplis d'enveloppes de graines. Il y a une table pour chacun de ces objectifs :
Tables de distribution
Table d'accueil
Table de dons et de marchandises (caisse)
Table d'échange de semences
Plantes d'ombre
Plantes humides partiellement ombragées
Plantes sèches partiellement ombragées
Plantes de soleil
Arbres et arbustes
Table de démonstration des semis d'hiver
Table «Demandez-moi n'importe quoi!»
Vous n'avez toutefois pas besoin d'organiser des événements avec dix tables pour commencer. La fondatrice, Mélanie, a commencé à organiser elle-même ces événements dans les parcs et dans les entrées de garage.
Mes propres aventures dans la création d'une grainothèque
J'ai déjà commencé à me lancer dans un groupe Facebook et j'ai reçu des semences d'Ottawa cette année. Je les en remercie, mais le simple fait de les distribuer représente déjà quelque chose d'énorme pour une seule personne. J'ai reçu des dons, mais je n'ai pas eu le temps de les mettre dans ces enveloppes uniques recyclées.
Pour distribuer ce qu'Ottawa m'a envoyé, j'ai utilisé des événements et des opportunités déjà existantes : échanges de semences, marchés de fermiers, mais j'ai aussi créé mon propre événement appelé « Semer la nouvelle année ».
Tout cela pour dire qu'il n'est pas facile de trouver des bénévoles engagés. Je félicite Mélanie pour le travail qu'elle a accompli en trouvant un noyau de personnes dévouées qui gèrent un tel système de manière si fluide. Elle a même mis en place des envois postaux à travers le Canada après avoir ouvert une boutique en ligne pendant deux semaines.
Après mon retour de voyage, je dois dire que j'ai été un peu dépassé par la quantité de gens à contacter, mais conforté dans l'idée que tout ce processus est simple et nécessaire.
Prochaines étapes
On vient de parler d'un modèle de base pour une grainothèque, mais il peut y en avoir d'autres.
Armés de ces informations, on peut trouver des gens qui veulent créer de nouveaux processus, pour compléter le modèle de grainothèque de base décrite ici.
C'est une étape essentielle d'aller dans le sens des forces de chacun, vu qu’il faut prendre en compte ce qu’on sait le mieux faire pour ce genre de projet. Par exemple, j'adore la communication, alors je communique sur le sujet. Il ne faut pas tout faire en même temps. Trouvez des alliés. Parlez-leur de leur passion et intégrez-la dans votre grainothèque !
Voici quelques idées à présenter aux nouveaux bénévoles :
Un système de courrier ?
Une base de données de toutes les plantes ?
Un blog, un podcast ou une infolettre ?
Un programme pour enseigner les plantes indigènes aux enfants à l'école ?
Une carte géographique de tous les endroits où les graines sont allées ?
Une description écorégionale de la (des) zone(s) écologique(s) couverte(s) par la grainothèque ?
Etc.
Vous voyez le genre.
Comme vous l'avez sans doute remarqué, il peut s'agir d'un vrai casse-tête qui peut prendre toute une vie pour aboutir. Mais si vous avez le temps, la place et la motivation, allez-y et essayez !
Si vous n'êtes pas encore sûr de savoir comment ou pourquoi faire tout cela, soyez à l'affût de Partager notre nature, un guide sur comment partir et participer à une Grainothèque comme celle-ci.